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Sirenologie
16 janvier 2021

Les néréides - peinture de 1845 de Teofil KWIATKOWSKI (1809-1891), poème de 1852 de Théophile GAUTIER

Ce poème figure dans le recueil Emaux et camées (1852) de Théophile GAUTIER, et lui fut inspiré par l'aquarelle (visible ci-dessous) que lui offrit un homonyme de prénom: le peintre polonais Teofil KWIATKOWSKI (1809-1891).

Ce petit facétieux de Théophile GAUTIER, malgré l'affection qu'il devait vouer à l'artiste, ne s'est pas privé de le chambrer sur son nom, en écorchant ici un peu son orthographe et en commentant «Parmi les portraitistes au pastel, le Polonais Théophile Kwiatkowski serait fort connu s’il jouissait d’un nom prononçable»...

Teofil Kwiatkowski - Les nereides - aquarelle et pastel sur papier

J'ai dans ma chambre une aquarelle
Bizarre, et d'un peintre avec qui
Mètre et rime sont en querelle,
- Théophile Kniatowski.

Sur l'écume blanche qui frange
Le manteau glauque de la mer
Se groupent en bouquet étrange
Trois nymphes, fleurs du gouffre amer.

Comme des lis noyés, la houle
Fait dans sa volute d'argent
Danser leurs beaux corps qu'elle roule,
Les élevant, les submergeant.

Sur leurs têtes blondes, coiffées
De pétoncles et de roseaux,
Elles mêlent, coquettes fées,
L'écrin et la flore des eaux.

Vidant sa nacre, l'huître à perle
Constelle de son blanc trésor
Leur gorge, où le flot qui déferle
Suspend d'autres perles encor.

Et, jusqu'aux hanches soulevées
Par le bras des Tritons nerveux,
Elles luisent, d'azur lavées,
Sous l'or vert de leurs longs cheveux.

Plus bas, leur blancheur sous l'eau bleue
Se glace d'un visqueux frisson,
Et le torse finit en queue,
Moitié femme, moitié poisson.

Mais qui regarde la nageoire
Et les reins aux squameux replis,
En voyant les bustes d'ivoire
Par le baiser des mers polis ?

Teofil Kwiatkowski - Les néréides

A l'horizon, - piquant mélange
De fable et de réalité, -
Paraît un vaisseau qui dérange
Le choeur marin épouvanté.

Son pavillon est tricolore ;
Son tuyau vomit la vapeur ;
Ses aubes fouettent l'eau sonore,
Et les nymphes plongent de peur.

Sans crainte elles suivaient par troupes
Les trirèmes de l'Archipel,
Et les dauphins, arquant leurs croupes,
D'Arion attendaient l'appel.

Mais le steam-boat avec ses roues,
Comme Vulcain battant Vénus,
Souffletterait leurs belles joues
Et meurtrirait leurs membres nus.

Adieu, fraîche mythologie !
Le paquebot passe et, de loin,
Croit voir sur la vague élargie
Une culbute de marsouin.

Teofil KWIATKOWSKI - les sirènes - musée de Cracovie

crédit photo

La version à l'huile, inscrite dans un cadre ovale, figure au Musée Czartoryski de Cracovie en Pologne. Admirez les jolies couronnes qui ceignent les têtes des danseuses, fleurs ou coquillages?

 

On peut remarquer que le poème prend des libertés avec l'image et fait de plus preuve d'un certain humour: Les 8 premières strophes décrivent la beauté des sirènes (trois, alors que le tableau en compte au moins 6 si ce n'est 7!) dans une intemporalité féérique... et puis les 5 dernières strophes basculent dans la triviale modernité avec l'irruption d'un paquebot (alors que KWIATKOWSKI s'était contenté d'un modeste bateau à voile, probablement une barque de pêcheurs) qui fait s'égailler les sirènes envoûtantes comme une volée de piafs inoffensifs, sans que l'équipage ou les passagers aient eu conscience de la magie qu'ils ont approché... Changement d'ambiance! XD

 

 

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  • Chevelures d'écume et voix des abysses, les sirènes sous-marines sont ici le sujet privilégié! Je prépare un fanzine sur elles, venez plonger dans la bulle des sirènes à travers romans, films, musique, BDs, poésie, études, images et dessins originaux.
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